La régulation des corvidés : un dossier bien compliqué


 

Gilles Raclot, Président FREDON Haute-Saône et Nicolas Gamb, Chargé de missions FREDON BFC.

A l’initiative de FREDON BFC, FREDON 39 et FREDON 70, une réunion de présentation de l’étude conduite en 2022 et 2023 visant à mieux quantifier les dégâts occasionnés par Corvus corone et Corvus frugilegus sur les cultures de tournesol et de maïs a eu lieu le 24 janvier 2024 à Pesmes.

 

La salle était loin d’être comble mais pourtant le problème existe bien car le réseau FREDON est souvent sollicité et c’est à la demande de la DRAAF/SRAl que cette étude a été conduite en 2022 et 2023.

Suite à l’homogénéisation du paysage et à l’intensification des pratiques agricoles, certains oiseaux moins sensibles aux perturbations environnementales peuvent être à l’origine de nombreux dégâts sur les cultures. C’est notamment le cas des corvidés tels que la corneille noire (Corvus corone) et le corbeau freux (Corvus frugilegus). Ces deux espèces, désormais classées en tant qu’espèces susceptibles d’occasionner des dégâts aux activités humaines (ESOD), représentent un impact financier important, notamment sur les cultures de tournesol et de maïs en France et dans le monde.

A ce jour, aucune étude n’a permis d’évaluer et de quantifier les dégâts aux cultures attribués aux corvidés. Afin de répondre à cette problématique, un protocole expérimental de quantification de ces dégâts a été mis en place dans le Doubs, le Jura et la Haute-Saône au printemps 2022et 2023 sur 114 parcelles de maïs et 28 parcelles de tournesol. De nombreux facteurs biotiques et abiotiques (recouvrement de surface, température, pluviométrie, surface et granulométrie des parcelles…) ont également été suivis.

 

Les résultats de cette étude montrent que les parcelles de tournesol présentent plus de dégâts que les parcelles de maïs. Cette différence peut s’expliquer par l’utilisation de semences de maïs traitées avec du zirame dont l’utilisation n’est pas autorisée sur les semences de tournesol. De plus, en 2022, il a été observé davantage de dégâts de corvidés sur les parcelles de maïs non traitées que sur les parcelles de maïs traitées. Le traitement des semences permettrait donc de limiter les dégâts de corvidés sur les cultures.

La surveillance des premiers stades de développement des plantes est également une action à mettre en place puisqu’il a été constaté que les dégâts de corvidés sur les parcelles étaient plus importants au stade plantule pour le maïs et au stade cotylédon pour le tournesol.

Même si cette étude n’a pas permis de montrer un impact des effaroucheurs visuels et sonores sur les dégâts de corvidés, il est tout de même préférable d’effaroucher les oiseaux au début de la levée pour protéger les plantules et les cotylédons le temps qu’ils atteignent des stades plus avancés et moins appétant pour les corvidés.

Globalement, les différents facteurs biotiques et abiotiques mesurés lors de l’étude ne montrent pas d’influence significative sur la quantité de dégâts des corvidés. Sur les parcelles de maïs, elle ne varie pas, par exemple, en fonction du recouvrement de surface, que ce soit des adventices ou des résidus de surface. Et, sur les parcelles de tournesol, aucun résultat significatif n’a été obtenu concernant la granulométrie, la surface de la parcelle, la pluviométrie ou la température.

Ces différents résultats illustrent donc bien la complexité de détermination des paramètres influençant les dégâts des corvidés et par conséquent les difficultés auxquelles font face les agriculteurs pour protéger leurs cultures.

 

Des études complémentaires sont à envisager à plusieurs échelles, notamment sur le recensement des nids de corvidés puisqu’il a déjà été prouvé une influence de la proximité des nids sur les dégâts occasionnés sur les parcelles. Lors de l’étude présentée ici, il a été constaté davantage de dégâts de corvidés sur les parcelles de maïs où des nids étaient présents dans un rayon de 9km. Il pourrait également être intéressant de réaliser une analyse des dégâts intra-parcellaires et des pratiques agricoles (préparation du sol, date de semis…), d’étudier les comportements des corvidés sur les parcelles et de mesurer l’influence de certains facteurs en les contrôlant via des parcelles tests et des modalités.

Des études en cours s’intéressent déjà à certaines de ces questions, comme par exemple, sur le « Comportement des corvidés au champs et essais sur les choix alimentaires » (Anthony Legeard, AgroSup Dijon), sur « Le défi de la prévention des dégâts d’oiseaux à la levée » (Christophe Sausse, Terres Inovia), sur « Les prélèvements des ESOD réduisent-ils les dégâts qui leur sont imputés ? » (Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité) ou sur la « Reconnaissance optique et ouverture vers des dispositifs d’alerte et d’effarouchement réactifs » (Corentin Barbu, INRAE UMR Agronomie).

 

A noter que FREDON BFC, FREDON 70 et FREDON Jura organiseront en 2024 une démonstration d’un nouvel effaroucheur autonome, le LazerTrac®, qui combine effarouchement sonore et laser en intérieur ou en pleine nuit.

 

Pour aller plus loin